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Tarot – Méditation avec le Tarot de Wirth

19 juillet, 2009 (00:27) | Plus... | By: lespacearcenciel

TarotMéditation avec les cartes du Tarot de Wirth
Les 22 Arcanes Majeurs du Tarot d’Oswald Wirth

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Me livrant à la pratique de l’occultisme avant d’en approfondir la théorie, je donnais au début de 1887 mes soins de magnétiseur à une malade qui s’endormait sous mon influence. C’était un sujet lucide qui me renseignait sur l’état de ses organes et sur l’effet produit par mon fluide. Ses tendances au bavardage se traduisaient de plus en révélations spontanées fort inattendues, auxquelles je ne prêtais qu’une médiocre attention. Un jour cependant je fus frappé par le ton de conviction de ma voyante, qui semblait percevoir avec plus de netteté que de coutume.

Vous allez recevoir une lettre scellé d’un cachet rouge avec des armoiries ! S’écria-t-elle comme si ce fait était d’une particulière importance. – Pouvez-vous voir de qui proviendra cette lettre ? – Elle est écrite par un jeune homme blond aux yeux bleus, qui a entendu parler de vous et désire faire votre connaissance. Il vous sera très utile et vous vous entendrez admirablement. Je posais d’autres questions, mais les réponses restèrent confuses ; elles embarrassaient inutilement le sujet qui pataugeait et finit par me dire : – Attendez la lettre ; je la vois distinctement avec son cachet rouge. Elle vous parviendra dans quelques jours, avant la fin de la semaine prochaine.

Intrigué, me voici guettant le courrier ; mais la semaine se passe et rien ne vient, puis deux autres semaines s’écoulent et je me lasse d’attendre. La dormeuse avait rêvé en s’abandonnant aux suggestions de sa fantaisie vagabonde, comme elle était coutumière dès que sa vision ne se rapportait plus à elle-même et aux phases de sa guérisons. Somme toute, la lucidité relève de l’instinct qui pousse l’animal malade à chercher l’herbe salutaire. Il est plus facile, en tout cas, de voir juste en sois-même, que de tirer des informations véridiques du dehors, c’est à dire des images flottantes que recueillent les imaginations réceptives.

Des réflexions de cet ordre me firent si bien oublier la missive vainement attendue, que la prédiction rejetée ne me vint pas à l’esprit au reçu d’une lettre à cachet rouge armoiré. Sans m’arrêter à l’enveloppe, je m’étais hâté de prendre connaissance de son contenu qui me transporta loin de tous les radotages somnambuliques. Stanislas de Guaita m’invitait à venir m’entretenir avec lui. Or ce que je savais alors du futur auteur du Serpent de la Genèse me le faisait envisager comme un érudit, riche en connaissances accumulées au cours d’une longue suite d’années studieuses. Je m’attendais à être reçu, sinon par le docteur Faust non encore rajeuni, du moins par un maître écrivain ayant dépassé le millieu du chemin de la vie.

Qu’on juge de ma surprise en me voyant joyeusement accueilli par un charmant garçon de ving-six ans, qui ne songeait aucunement à pontifier. Je fus immédiatement conquis. Mais il est jeune, il est blond, il a les yeux bleus, sa lettre était scellé de rouge, nul doute, c’est lui l’ami, le prtecteur annoncé par le sujet endormi ! L’avenir justifia l’extraordinaire émotion de la voyante en m’annonçant la lettre au cachet rouge qui n’était pas encore écrite, car l’entrée en relation avec Stanislas de Guaita devint pour moi un évènement capital. Il fit de moi son ami, son secrétaire et son collaborateur. Sa bibliothèque fut à ma disposition et, bénéficiant de sa conversation, j’eus en lui un professeur de Kabbale, de haute métaphysique, autant que de langue française; car Guaita prit la peine de me former le style, et de me dégrossir littérairement. Il me fit apprécier les phrases bien tournées en m’initiant à l’esthétique de la belle prose française : je lui dois d’écrire lisiblement.

Mais je lui suis redevable aussi de ma formation intellectuelle. Lorsqu’il voulut bien me prendre en amitié, je n’étais qu’un élémentaire manieur de fluide obtenant des résultats empiriques, mais très pauvre en notion raisonnées. Guaita possédait la lumière qui me manquait. Alors que je n’était teinté que de spiritisme et d’une vague théosophie, il s’était assimilé la doctrine traditionnelle des maîtres de la science occulte, dont il se disait le très humble disciple. Partant d’Eliphas Lévi, il était remonté aux Kabbalistes de la Renaissance et aux philosophes hermétiques du Moyen Age, lisant tout et comprenant tout avec une prodigieuse facilité. Les textes les plus obscurs s’éclairaient dès qu’il y projetait la clarté de son esprit solaire. Il se jouait des problèmes métaphysiques et j’étais très loin de pouvoir le suivre ; mais quand je restait trop en arrière, il se hâtait de revenir sur ses pas pour me prendre fraternellement par la main, indulgent aux lenteurs de ma compréhension saturnienne.

Empêtré dans les ronces de la forêt terrestre, j’avais en Guaita le guide qui planait dans les hauteurs. Sans lui, comment me serais-je orienté ? Il fut l’inspirateur des études que je n’ai cessé de poursuivre. Me sachant dessinateur, il me conseilla dés notre première entrevue du printemps de 1887, de restituer les 22 Arcanes du Tarot à leur pureté hiéroglyphique et me documenta immédiatement en me confiant deux tarots, l’un Français et l’autre italien, ainsi qu Dogme et rituel de la haute Magie, l’ouvrage capital d’Eliphas Lévi, où le Tarot est l’objet de copieux commentaires. (Les 22 arcanes majeurs ont étés dessinés par O.Wirth. Pour les 56 autres, nous les devont à un autre créateur.) Tel fut le point de départ du présent travail, dont la paternité spirituelle est attribuable à Stanislas de Guaita. Lui ayant soumis un premier tarot redessiné d’après les jeux grossiers comparés, ce savant occultiste me fit ses critiques, dont il fut tenu compte lors de la publication du Tarot Kabbalistique paru en 1889, tiré à 350 exemplaires par les procédés d’héliogravure de G. Poirel.

Ce Tarot fut apprécié par les occultistes. Il était très satisfaisant comparativement aux jeux de cartes alors dans le commerce, mais il restait perfectible. L’idéal à réaliser exige une parfaite unité du symbolisme, afin que tout se tienne dans les 22 compositions, qui doivent s’éclairer l’une l’autre et ne comporter aucun détail arbitraire non justifié. Pour mener à bien cette mise au point du Tarot, il était nécessaire d’en saisir l’idée générale et de s’initier aux conceptions qui lui ont donné naissance. Avec l’aide de Stanislas de Guaita, je me suis mis au travail pour acquérir la science du symbolisme m’autorisant à reconstituer le Tarot dans le dessin et les couleurs, conformément au génie médiéval. Ce fut long, mais j’eus la patience de m’instruire méthodiquement. Partout où je les ai rencontrés, je me suis exercé à interpréter les symboles, au point de me faire la réputation d’un spécialiste en la matière.

M‘attaquant tout d’abord au symbolisme constructif des Francs-Maçons, je fut amené à le comparer à celui des Alchimistes, qui traduisent en images tirées de l’ancienne métallurgie l’ésotérisme initiatique, si judicieusement adapté par les tailleurs de pierre du Moyen Age à la pratique de leur art. Dès que l’on parvient à faire parler les symboles, ils dépassent en éloquence tous les discours, car ils permettent de retrouver la Parole perdue, c’est à dire l’éternelle pensée vivante dont ils sont l’expression énigmatique. Déchiffrez les hiérogliphes de la profonde sagesse muette commune aux penseurs de tous les âges, et, des religions, des mythe et fictions poétiques, vous dégagerez des notions concordantes relatives aux problèmes qui ont toujours préoccupé l’esprit humain. Les symboles nous révèlent poétiquement des conceptions trop éthérées pour se prêter à la détermination étroite des mots.

Tout ne saurait se ramener à la prose des argumentateurs et deviner avec les adeptes de cette philosophie sagace des symbolistes du Moyen Age, qui réagirent contre la scolastique esclave des mots. C’est à ces Maîtres prudents et discret que remonte le Tarot, monument unique, plus instructif pour le penseur véritable que tous les traités sententieux, car ses images enseignent à découvrir la pudique vérité qui se cache au fond du puits de notre entendement. Aucun recueil de symboles ne lui est comparable comme révélateur d’une sagesse qui n’a rien d’arbitraire, puisque chacun la discerne librement, sans subir d’autre suggestion que celle d’images muettes. Condensatrices d’inexprimables pensées, ces images se taisent, sans dissimuler qu’elles ont à nous faire deviner une précieuse sapience. Mais la mentalité du XXème siècle se prête-t-elle à la divination? Quel serait de nos jours le sort du Tarot, s’il restait énigmatique, tel qu’il est parvenu jusqu’à nous , sans être accompagné du moindre texte interprétatif ?

Nous sommes pressés et n’avons plus le loisir de méditer ; penser par soi-même est trop long : il nous faut des idées exposées avec limpidité, en vue de leur assimilation rapide ou de leur rejet instantané. J’ai fait de mon mieux pour me conformer aux exigences du siècle. Mes efforts ont abouti à une série d’essais que je n’éprouvais aucune hâte à publier, vu leur imperfection. En 1922, je crus cependant devoir tirer de l’amas de mes élucubrations un manuscrit définitif. L’éditeur du Serpent Vert m’avait fait des propositions qui me décidèrent à en finir avec un travail qui tournait à l’obsession. La rédaction que je remis à l’imprimeur ne mérita pas cependant de voir le jour, puisqu’elle fut perdue de manière assez incompréhensible. Après une attente prolongée, mais vaine quant aux résultats des recherches entreprises pour retrouver mon texte, je dus me résigner à me remettre à l’ouvrage.

Le recueillement ininterrompu nécessaire me fut ménagé au cours de mes vacances de 1924 et 1925. Bénéficiant d’une délicieuse retraite en un site enchanteur, d’où la vue embrasse l’un des plus beaux paysages de France, j’espère que mon ultime rédaction s’est ressentie du millieu inspirateur et de la grande lumière des plus longs jours. En m’absorbant dans une contemplation que favorisait un cadre Gothique, je crus entrer en communion méditative avec le passé, tout en vivant dans le souvenir constamment évocateur de Stanislas de Guaita. Je me persuade que le maître, pour qui s’est soulevé le voile du mystère, n’abandonne pas son compagnon de travail en peine de discerner la vérité. Comme beaucoup d’autres théories, celles des « Supérieurs Inconnus » ( Pour en savoir plus ) est vraie, à la condition d’être comprise. Nos initiateurs réels ne se révèlent pas à nos sens et restent aussi muets que les compositions symboliques du Tarot; mais ils guettent nos efforts de déchiffrement, et dès que nous avons trouvé la première lettre, ils nous soufflent mystérieusement la seconde, afin de nous mettre sur la voie de la troisième. Guaita m’a certainement aidé, car ma pensée appelle la sienne, si bien qu’il s’établit entre nous un courant de télépathie spirituelle dont je ne saurais douter.

Les relations d’esprit à esprit sont dans la nature des choses et n’ont rien de commun avec la nécromancie classique ou modernisée sous forme de spiritisme. L’occultisme philosophique n’est pas superstitieux, bien qu’il soit fondé sur l’étude des superstitions. Il s’attache aux croyances indestructibles pour en analyser et rechercher la réalité qui les motive, car il serait illogique d’admettre que l’humanité se forge de toute pièces des idées fausses qui ne rime à rien. La fumée qui enténèbre l’espace provient d’un feu dont il importe de découvrir le foyer. Les investigateurs de l’occulte fumeux s’assignent la tâche de remonter à la source d’une crédulité qui a de toute nécessité sa raison d’être.

Stanislas de Guaita poursuivit cette investigation avec l’enthousiasme d’un néophyte exceptionnellement doué, qui discerne rapidement et conçoit d’emblée la synthèse théorique rendant compte de l’ensemble des faits envisagés comme magiques. Cette réceptivité merveilleuse nous vaut des livres qui sont le testament lumineux d’une tradition désormais fixée. Guaita, qui s’est toujours interdit d’innover en occultisme, ne visait qu’à interpréter fidèlement une orthodoxie, celle des maîtres de l’école à laquelle il se rattachait. Ces maîtres lui étaient sacrés et il ne songeait pas à critiquer leurs assertions, car il ne pouvait suspecter l’enseignemnt de ceux qu’il admirait sans réserve.

Il convient de faire ressortir ici le trait le plus marquant du caractère de Guaita. Sa générosité d’âme le portait à l’admiration d’autrui. Je l’ai entendu porter aux nues Joséphin Péladan, Maurice Barrès, Laurent Tailhade, Saint Yves d’Alveydre et nombre d’autres contemporains dont il appréciait la science ou le talent littéraire. Il érigeait d’autre part Eliphas Lévi en demi-dieu et s’inclinait devant Fabre d’Olivet avec un respect quelque peu mystique. Les journalistes qui se sont représenté l’auteur du Temple de Satan comme un « ténébreux marquis », passant ses nuits en conjurations tirées des grimoires, faisaient rire de bon coeur l’écrivain très lumineux, adversaire déterminé de toute pratique suspecte. Jamais il n’a été tenté de procéder à la moindre opération magique, sachant fort bien que tout ce qui peut s’obtenir par cette voie n’est qu’illusion dangereuse, conduisant au détraquement et à la folie.

Des légendes ridicules n’en courent pas moins dans certains milieux hallucinés où l’on ne veut pas que le détenteur de la clef de la Magie Noire se soit éteint de mort naturelle. On y pousse l’effronterie jusqu’à colporter la dernière phrase qu’aurait prononcée Guaita: « Je meurs victime de mon oeuvre! » J’oppose la dénégation la plus absolue à cette fable imagée pour complaire aux doctrines d’un occultisme de charlatans. Guaita mourut au château d’Alteville fin 1897, sans avoir jamais attribué sa maladie à ses études, celle-ci ayant été entreprises postérieurement à l’invation du mal. Les personnes qui assistèrent à ses derniers moments crurent l’entendre murmurer: « Je vois! Je vois! » tandis qu’une expression de surprise heureuse se répandait sur le visage du génial explorateur de l’occulte.

Éprises d’un idéal de beauté, les natures solaires ne s’incarnent qu’avec réticence et pour un temps limité. Comme Raphaêl et Mozart, Guaita devait mourir jeune. Il m’était réservé de durer, mais l’incomparable ami, le maître inspirateur n’est jamais mort pour moi. Sa pensée reste la mienne : avec lui et par lui, j’aspire à m’initier au secret des choses. Nous collaborons occultement, car le disparu m’encourage à poursuivre son oeuvre, que je crois utile de reprendre sur la base des conquêtes archéologiques les plus récentes. L’occultisme mérite d’être pris au sérieux et ne doit pas être abandonné au dogmatisme équivoque des imaginations troublées. Tout y est à revoir, à peser et à contrôler selon les exigences d’un positivisme éclairé.

J’ai toujours fait de mon mieux en ce sens, surtout en étudiant le Tarot ; aussi ai-je conscience de n’avoir jamais cessé d’être le secrétaire de Stanislas de Guaita, qui n’a trouvé en moi qu’un scribe insuffisant, mais fort de sa bonne volonté dans la recherche sincère du vrai, fort aussi de son culte de gratitude à l’égard de la noble intelligence dont l’action se poursuit, puisque rien ne se perd dans le domaine des forces. Puisse le lecteur rendre grâce à Stanislas de Guaita des idées que j’exprime et accorder son indulgence à l’escholier qui les traduit. ( Sources…) – Voir Plus

Oswald Wirth.

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